Il y a plusieurs années, j’ai participé à un collectif qui a publié Petits Chaperons dans le rouge. Il s’agit d’une déclinaison de jeux d’écriture à partir du conte Le Petit Chaperon Rouge de Charles Perrault.
Malheureusement, le nombre de tirages de ce livre a été très faible et il est actuellement indisponible. J’aimerais aujourd’hui vous présenter l’un des textes que j’ai écrit et qui a été intégré à ce livre : La mort du Petit Chaperon Rouge. Il s’agit de la réécriture du conte sous forme de tragédie. Parce que j’aime les défis, tous les vers sont des alexandrins !
Scène 1. LE PETIT CHAPERON ROUGE, LA MAMAN
LA MAMAN
Ah ! Petit Chaperon rouge comme le sang
Des griottes jolies de notre beau printemps,
Dépose la chaussette bleue comme le ciel
Sur notre table en bois non loin du pot de miel.
D’une aiguille rapide comme le guépard
Son trou j’arrangerai juste après ton départ.
LE PETIT CHAPERON ROUGE
Sur tes lèvres je vois une requête mère.
Dis-moi ce que tu veux et ce que je peux faire.
LA MAMAN
Voilà trois jours que Mère-Grand ne sort du lit.
Son corps est déchiré par une toux violente
Qui l’entraîne en ce jour vers la trop noire pente.
Porte-lui la galette et puis ce pot rempli
D’un beurre lisse et doux tout comme le satin ;
Il vient de Normandie, ça lui fera du bien.
LE PETIT CHAPERON ROUGE
Mes pieds seront semblables à ceux de la gazelle
Pour sans me fatiguer courir jusque chez elle !
Scène 2. LE PETIT CHAPERON ROUGE, LE LOUP
LE LOUP
Oh toi vaillante enfant qui marche dans les bois
J’ai entendu clamer ton nom sur tous les toits :
Je voudrais te parler en ce divin matin.
Me feras-tu l’honneur d’un entretien ?
LE PETIT CHAPERON ROUGE
Loup au regard brûlant tel le terrible feu
Qui ravagea de Troie la cité et les dieux,
D’une grande mission tu me vois investie
Car je dois me hâter pour sauver une vie !
LE LOUP
Jusqu’au sol je m’incline et selon ton désir
Je vais donc m’éloigner de ton tendre sourire !
Mais sache-le pourtant : mon âme à converser
Se propose aujourd’hui et j’ose t’avouer
Qu’un éclat sans pareil brille au fond de tes yeux.
Aphrodite jolie, tu es bénie des dieux !
LE PETIT CHAPERON ROUGE
Tu me flattes beau loup ! Pour prix de ton discours
Tu me vois t’avouer qu’à Mère-Grand j’accours,
Dans mon panier du beurre ainsi qu’une galette
Dont ma chère mère seule sait la recette.
LE LOUP
Et où réside donc cette reine des reines
La Mère-Grand pour qui je sens ton âme en peine ?
LE PETIT CHAPERON ROUGE
Par-delà la forêt, à côté du moulin.
Une vigne tout près donne un délicieux vin
Aussi bon que celui qu’Ulysse en route offrit
Au cyclope géant qu’il plongea dans la nuit.
LE LOUP
Rempli de loyauté, je propose beauté
De moi aussi aller Mère-Grand visiter.
Mais nous suivrons chacun notre propre sentier
Ainsi nous verrons bien qui y sera premier.
Scène 3. LE PETIT CHAPERON ROUGE
LE PETIT CHAPERON ROUGE
De cueillir un bouquet je vais prendre le temps :
Les fleurs les plus jolies seront pour Mère-Grand !
Scène 4. LE LOUP
LE LOUP
Stupide est cette enfant qui pense m’échapper
Sans peine j’en ferai mon petit déjeuner !
Sur un chemin très long candide Chaperon
Tu oublieras ton but, mon défi, ta mission.
Et moi je vais manger ta Mère-Grand chérie :
Ce sera mon exploit, le plus beau de ma vie !
Scène 5. LE LOUP, LA MERE-GRAND
LE LOUP
Le Chaperon encore traîne galette et beurre
Moi me voici devant la splendide demeure !
Ah c’est vraiment joli, parfait cadre au malheur.
Sans attendre je vais y semer la terreur.
C’est bien moi Mère-Grand, je t’apporte des fleurs,
Du beurre lisse et frais, et comme aux jours de fête
La croûte tendrement dorée de ma galette
Transportera ton coeur de rire et de bonheur !
Car mon voeu le plus cher serait de te guérir
Ma chère Mère-Grand, ne plus te voir souffrir !
Si tu savais combien mon âme au désespoir
Est de flèches percée : il en coule un sang noir !
LA MERE-GRAND
Bon, n’exagérons rien, Chaperon généreux,
Hadès ne me tient pas dans ses liens ténébreux.
Porte-moi ta galette et attention au beurre
Allons, sèche tes pleurs, pénètre en ma demeure !
Avec tes doigts de fée pousse la chevillette
Ensuite n’oublie pas : tire la bobinette.
Ah !… horreur un loup noir ! Adieu vie de labeurs
Loup tu m’as bien trompée : sans autre cri je meurs…
Scène 6. LE PETIT CHAPERON ROUGE, LE LOUP
LE PETIT CHAPERON ROUGE
Etre de sa maman le Petit Chaperon
Ou ne pas être moi, et tourner les talons :
Telle est bien la question qui trouble mon esprit.
Le Destin est-il donc si tracé qu’on le dit ?
Bon voilà dépassé le temps de réflexion
Dans le doute agissons : à la porte frappons !
LE LOUP
Avec tes doigts de fée pousse la chevillette
Ensuite n’oublie pas : tire la bobinette.
LE PETIT CHAPERON ROUGE
Je vole jusqu’à toi ma tendre Mère-Grand
Car je veux t’embrasser mais dis-moi seulement
Pourquoi tes larges mains sont comme le vaisseau
Qui emporta Jason au gré des sombres flots ?
LE LOUP
Mes mains ont travaillé et durement gagné
Mon pain de chaque jour : elles sont déformées.
LE PETIT CHAPERON ROUGE
Je vole jusqu’à toi ma tendre Mère-Grand
Car je veux t’embrasser mais dis-moi seulement
Pyramides pointues, pourquoi brillent tes dents
Une salive épaisse en torrent libérant ?
LE LOUP
Ah ah je suis le loup, horreur de la forêt !
Mon regard est brûlant tel le terrible feu
Qui ravagea de Troie la cité et les dieux !
Mon Petit Chaperon, cette fois, tu es fait.
LE PETIT CHAPERON ROUGE
Ah ! Horreur ! Le loup noir ! C’est l’heure du départ !
On ne m’y prendra plus, je le jure, un peu tard !
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