Après la dégustation du Munster la semaine dernière, je vous invite cette semaine à goûter au Comté… à moins qu’il ne disparaisse soudain !
Le jeu d’écriture que j’ai proposé aux abonnés de ma newsletter consistait à réécrire une histoire connue sous une forme déterminée à l’avance.
J’ai donné le choix entre :
- Écrire l’histoire de manière géométrique
- Écrire l’histoire sous forme d’un rapport/lettre officiel
- Écrire l’histoire de manière botanique
- Écrire l’histoire comme l’aurait racontée un élève de CM2, fautes d’orthographe comprises !
Personnellement, j’ai choisi de vous présenter une lettre officielle. Voici donc ce que j’ai écrit, en partant, comme toujours de la fable Le corbeau et le renard de Jean de La Fontaine :
De : M. le Maire de Fontaine
A : M. le Préfet de Franche-Comté,
Objet : Concernant le déroulement de l’affaire Jean
Fontaine, le samedi 14 Janvier 2012
Monsieur le Préfet,
J’ai l’honneur de vous informer, par la présente, de faits graves qui se sont déroulés lundi 2 Janvier 2012 sur le territoire de la commune de Fontaine.
M. Jean, résidant à la Ferme des Fables depuis son enfance – ladite ferme ayant été achetée en 1621 par un aïeul et dûment léguée par le grand-père paternel de Monsieur – a déposé plainte pour le vol d’un fromage Comté.
M. Jean a expliqué qu’il avait déposé vers 7h un Comté AOP – Appellation d’Origine Protégée – sur une étagère de la grange. Après 24 mois d’affinage, ce fromage a été déposé entre une miche de pain aux céréales et une bouteille de Pinot Noir, lesquelles sont restées en place. Le délit a eu lieu dans la matinée, alors que M. Jean surveillait la traite dans le bâtiment attenant à la grange.
La porte de la grange étant ouverte – par négligence ou nécessité, ce point restant à éclaircir – l’odeur du fromage s’est répandue au dehors alléchant un malfaiteur.
Comme il se doit, une enquête a été menée. Les diverses informations vérifiées et analysées, un témoin a été interpellé. Il s’agit de M. Goupil, un vieux renard retraité résidant dans une petite maison isolée au cœur de la Forêt Rousse. Selon ses dires, il aurait aperçu un individu de couleur noire jaillir de la grange peu après 8h. M. Goupil, accusé un moment de prôner une idéologie basée sur la supériorité supposée de certaines races, s’est vu disculpé peu après en raison d’une forte myopie attestée par le médecin ophtalmologiste. Ce dernier a déclaré que le témoin était tout à fait capable de confondre un homme et un oiseau.
Cependant, le délit ayant été commis sur le territoire de la République, il était de notre ressort de faire tout notre possible pour démasquer le corbeau auteur des faits. Grâce à la compétence de nos services, le coupable a été arrêté et livré aux mains de la justice. Il s’agit d’un dénommé M. Phénix, chanteur professionnel en quête d’une scène. Le psychologue qui l’a reçu le jour suivant son arrestation dit l’avoir trouvé honteux et confus, jurant – un peu tard vous en conviendrez – qu’on ne l’y reprendrait plus. Il a donc reconnu le vol. Alors que l’affaire paraissait tout à fait limpide, un fait nouveau s’est présenté : M. Phénix a porté une accusation à l’encontre d’un vieux renard qui l’aurait dépouillé du Comté – celui-ci n’a d’ailleurs pas été retrouvé.
Suite au témoignage de M. Phénix, M. Goupil a été mis en examen. Malgré ses discours flatteurs, il a été écroué pour vol et complicité de vol. Il convient présentement de déterminer la part de responsabilité de chacune des parties. Ont-ils agi ou non sous l’emprise d’une force à laquelle ils n’auraient pu résister ? Auquel cas, comme vous le savez, les sanctions appliquées ne seraient plus les mêmes.
Les suspects encourent pour le moment une peine sévère : l’interdiction, pour une durée de trois ans, de paraître dans les alentours de la ferme de M. Jean ajoutée à celle de manger du Comté.
J’ai cru bon, Monsieur le Préfet, de vous informer des différents détails de cette affaire. Je constate qu’il serait important de mettre en place des moyens supplémentaires pour assurer une véritable protection du fromage Comté. Vous conviendrez aisément qu’il y a eu non seulement atteinte à la personne – on ne peut tolérer qu’on enlève le fromage de la bouche d’un français – mais également atteinte aux intérêts culturels de la nation, ce pourquoi je m’adresse à vous. Étant donné le préjudice d’image ainsi subi par notre patrie, je compte Monsieur le Préfet sur votre diligence bien connue pour allouer à ce dossier tous les moyens nécessaires.
Il va de soi, que le cas échéant, je ne manquerai pas de vous tenir informé des éventuels éléments subséquents, qui arriveraient à la connaissance de mes services.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Préfet, l’expression de mes salutations distinguées.
J’espère que M. le Maire de Fontaine (Village authentique, situé en Franche-Comté) voudra bien m’excuser d’avoir choisi son village pour lieu du délit !
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Crédit photo : fraise