Cette semaine, je vous propose ma version de la fable “Le corbeau et le renard” de Jean de La Fontaine, en suivant les règles du 33ème jeu d’écriture de mon coaching : trésor littéraire.
Il s’agissait d’écrire le texte d’une page trouvée sur une île déserte au fond d’un coffre. Pour ajouter une contrainte supplémentaire, je me suis donnée comme but d’intégrer tous les mots présents dans la fable – et ce, sans en transformer le genre, le nombre ou la conjugaison. Ils seront en gras dans mon récit.
Une histoire de pirates
« Hier encore, moi, Noir Corbeau, j’étais l’un des pirates les plus renommés de ces mers. Le matin, nous avions abordé un lourd navire marchand empli de trésors. La bataille avait été rapide, sanglante. Nous avions laissé quelques survivants pour conter nos hauts faits. Un bateau de plus pour jurer qu’on ne l’y prendrait plus à naviguer sur ces eaux. Une fois toutes les richesses du vaisseau transférées à bord de mon navire : le Phénix des mers, nous nous éloignâmes et fîmes route vers notre repère, l’île de l’Arbre perché. C’était en réalité un îlot désert de quelques encablures de longs et de larges, inconnu sur les cartes, presque impossible à retrouver sans l’aide de coordonnées précises. Un seul arbre, indéfinissable, frêle et tordu, s’élevait sur un monticule de terre rouge, presque au centre de l’île. Une terre bouleversée qui me permettait néanmoins d’enterrer mes gains au cours de chaque saison. Je récupérais le tout en fin d’été pour rejoindre mes terres, bien plus à l’ouest, languissant à l’idée de retrouver les collines verdoyantes et la fraicheur de ces bois où j’aimais me promener.
Quelle ne fût pas ma surprise en ce matin du 21 février, de découvrir un autre navire mouillant non loin de mon îlot. Je le reconnu immédiatement, bien que ne l’ayant pas vu depuis une dizaine d’années. C’était le vaisseau du capitaine René le Renard, un maître pirate. Je me remémorais aussitôt notre première rencontre, dans une taverne mal famée. Il avait quelques verres dans le bec et gagnait effrontément aux cartes mais son discours tenait en son pouvoir toute l’assemblée. Je lui tint à peu près ce langage :
– Hé ! Bonjour Monsieur. Puis-je me joindre à votre compagnie ?
Il accepta. Je jouais mon repas, un morceau de pain noir et un fromage entier. Par l’odeur alléché, René le Renard releva le défi. Je perdis mon souper. Le Renard s’en saisit, et dit :
– Ne soyez point honteux et confus, le Corbeau ! Ce n’est qu’un fromage et ma bonne fortune est légendaire !
Il me parut bien arrogant mais je ne trouvais rien à dire. Fasciné par sa belle voix et par les aventures qu’il racontait, je restai à l’écouter. Nous sympathisâmes. Peu avant l’aube, il quitta la taverne. Je parti après lui et le retrouvai non loin de la taverne, dans une ruelle sombre, en proie à un brigand peu malin qui l’attendait pour le détrousser. Je l’aidai à le faire fuir et pour montrer sa reconnaissance, il me jura fidélité avant de me révéler l’existence de cette île oubliée. Puis, il disparu sur l’océan.
Je le retrouvai ce jour-là, fidèle à mon souvenir. Pas une ride au coin de ses yeux acérés, d’un vert perçant et toujours les mêmes cheveux flamboyant. Nous nous retrouvâmes le soir, au pied de l’arbre, armés d’un verre de bon vin, impatients de partager nos aventures. Il me compta mille merveilles sur son compte, me fascinant une nouvelle fois. Plus de la moitié de ses récits, si ce n’est la totalité, devaient sortir tout droit de son imagination. Qu’importe !
– Et vous, mon bon ami ? demanda-t-il finalement, tout en me resservant une coupe.
Son regard caressa la ligne courbe de mon vaisseau.
– Oh navire ! murmura-t-il, que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !
Il se tourna vers moi.
– Il est bas sur l’eau et je ne doute pas de votre capacité à le remplir de trésors. J’ai croisé des navires dépouillés… J’ai entendu murmurer votre nom dans les tavernes. On dit que jamais le Corbeau ne laisse tomber sa proie, que votre habileté ouvre un large horizon pour l’avenir des pirates. Sans mentir, si vos richesses se rapportent à la légende qui se crée, vous êtes le prince de ces mers, un maître de la piraterie !
A ces mots, mon orgueil pris le pas sur ma raison et pour démontrer ces affirmations, je lui fis ouvrir les cachettes de mon île et lui présentai chacun des hôtes précieux enfermés dans mes coffres. Ce qui se passa ensuite, je ne sais. La vanité et le vin ne font pas bon ménage, je le reconnais. Je dus m’endormir. Lorsque je m’éveillai, j’étais seul. René le Renard avait embarqué mon vaisseau, mes gens, mes trésors. Il ne m’avait laissé qu’un coffre, vide, une plume et un parchemin en haut duquel il avait tracé ces mots :
– Monsieur du Corbeau, apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien tous vos trésors, sans doute.
Me voici seul, déchu, naufragé. Seul un miracle peut désormais me sauver… je jure, mais un peu tard, que si je m’en sors, je le retrouverais et mon âme ne se sent pas de joie à cette idée.
– Maître Renard, je ferai taire votre ramage insolent et tomber votre plumage flamboyant !
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Crédit photo : Lee Morley